Réflexion

Mon Comportement Change

Industrie de l’inattention

C’est ma pause

Un soir, je me suis allongé devant la télé pour choisir un programme. Dr. House passait sur une chaîne et mécaniquement j’y vais.
Passé un temps, j’attendais impatiemment les nouveaux épisodes de Game of Thrones, mais je n’ai même pas regardé la dernière saison. Bizarre !

Et je me pose : pourquoi je regarde une série que j’ai déjà vue au lieu de finir une autre ?
Les réponses arrivent vite : je nage dans le changement toute la journée ; j’ai besoin de me vider l’esprit ; je choisis la facilité ; je choisis quelque chose que je connais qui ne me demande pas d’effort ; je veux réduire l’activité dans mon cerveau et me préparer pour aller dormir ; etc…
Vu sous cet angle, je comprends mieux mon comportement. C’est probablement aussi de la rationalisation. Passons…

Dans un livre que j’ai lu il y a longtemps, un personnage disait que, quand elle tricotait ses mains étaient occupées mais son esprit pouvait aller loin.
Je veux faire pareil.
Je prends alors mon téléphone et je lance un jeu de solitaire, après tout c’est bien approprié au contexte. J’écoute d’un côté les dialogues à la télé ; mes yeux sont concentrés sur l’écran dans ma main ; je fais des choses simples comme déplacer une carte d’une colonne dans une autre. Je suis confortable.
Je remarque qu’écouter sans regarder la télévision est une autre expérience. Et surtout, je laisse mon cerveau vagabonder.

Je reviens alors à mon comportement. On dirait que je me comporte comme un enfant qui lit et relit le même livre avec les mêmes images.
Est-ce que mon comportement change ou est-ce que je reproduis un comportement de mon enfance ? Je ne sais pas si les enfants d’aujourd’hui font la même chose avec leur tablette. Je m’égare… Passons…

Je me pose alors : est-ce que je suis accro à Dr. House et aux séries simples qui finissent par un happy end ?
Probablement pas. Une addiction, c’est plus sérieux. Ce n’est pas comme si cela m’empêchait de travailler ; je fais ceci le soir après le travail. Je peux même dire que je travaille sur mon comportement en écoutant une série et en jouant au solitaire. Non, ce n’est pas une addiction, c’est probablement une simple habitude.

Alors je me pose : qu’est-ce qu’il y a dans ces séries pour que j’y revienne ? Que font-ils pour attirer mon attention encore et encore ?
Et là, au lieu de calmer mon cerveau, je commence à analyser l’industrie audiovisuelle.

Il y a bien entendu les personnages. Il y a Dr. House qui représente la raison et son entourage qui représente les émotions. On dirait que les scénaristes de ses séries externalisent des dilemmes internes entre la raison et les émotions en les représentant par des personnages différents.
C’est comme dans le film Vice Versa. Vous savez, c’est ce film d’animation qui représente les émotions comme des personnages indépendants qui poursuivent chacun leur propre programme.
Je suis impressionné par toutes les déclinaisons possibles de mise en scène de ce dilemme interne. Et, dans cette industrie, il y a la série Good Doctor maintenant, c’est exactement la même combine. Il y avait aussi la série Bones, c’est la même chose. Etc…

Il est probable que c’est pour cela que j’y suis attiré.
Oui, mais, c’est une industrie qui produit semaine après semaine exactement la même chose en donnant l’impression que c’est du nouveau à chaque fois. Quel tour de force ! Certains l’appellent l’industrie de l’attention.
C’est comme les fast-foods ; un savant équilibre du sel, du sucre et du gras pour nous rendre accro.

Et je me pose : quels sont les ingrédients de l’industrie de l’attention ?
Mon cerveau glisse vers l’activité de Dr. House. Oh oui, il fait un diagnostic. Oh oui, c’est-à-dire qu’il calcule la probabilité de plusieurs hypothèses puis il choisit une piste et demande à son équipe de lancer un traitement.
C’est souvent le cas que les premières pistes soient fausses. Après tout, il faut bien remplir la plage horaire. Mais voilà, il y a un processus sous-jacent : il émet un diagnostic, il donne l’ordre de lancer un traitement, il attend le résultat et ça boucle ainsi jusqu’à la fin, jusqu’à l’identification du vrai problème et de sa solution.
Voilà un truc. Il y a une énigme qui est résolue à la fin de l’épisode. Ok, oui, les cerveaux aiment les énigmes et aiment les résoudre. Pas mal comme combine aussi.

Je continue à déplacer les cartes sur mon écran et à écouter et je me dis : quelle production !
Il a suffi de figer une boucle qui se répète et qui peut se répéter à l’infini et le tour est joué. Quand je réduis le processus à cette abstraction, il me semble facile de le produire indéfiniment. Il suffit de s’entourer d’une bonne équipe de scénariste, car le reste, eh bien, c’est automatisable.

Donc, il y a une petite boucle qui se répète plusieurs fois dans l’épisode. Puis toutes ces boucles sont répétées d’épisode en épisode. Et en plus, aujourd’hui, plus la peine d’attendre une semaine ; le même soir, ces boucles se répètent indéfiniment.
Et je me pose : est-ce que je suis un hamster qui court dans sa roue ?
Ok, mon cerveau se repose quand la boucle est habituelle et simple. Je n’ai pas besoin de passer à la partie analytique de mon cerveau. Je suis en conduite automatique. C’est reposant !

On appelle ceci une production, mais en réalité c’est de la productivité à l’état pur. C’est une boucle dans une boucle dans une autre boucle. Tout le reste est de l’habillage, du maquillage, de l’éclairage et du bavardage.
Moi, je l’appelle l’industrie de l’inattention.

Mon comportement change.
Je fais attention.

C’est reposant !?
On ne dirait pas !
Je vais au lit pour vraiment me vider l’esprit.

C’est ma pose…